Feuilleter le guide de l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs et Industriels de 1925 est une promenade fort agréable, qui emmène dans le temps et l’espace. On peut y trouver pèle mêle les lignes aériennes de l’époque, des conseils pour retrouver un enfant perdu dans une gare, la liste des restaurants russes, italiens ou kacher, et même un petit guide des catacombes… Et puis enfin, à partir de la page 211, une 3eme partie venant au fait : « A l’exposition ».
À travers l'exposition des Arts Décoratifs de 1925
Vient en premier un préambule. Et au milieu de celui-ci, ces phrases limpides : « La carence décorative du XIXe siècle n’avait pour cause que le divorce provoqué par la ruine des corporations entre les artistes et les fabricants, ces deux catégories de citoyens dont l’union engendrait la fécondité et dont la zizanie déterminait l’impuissance. Cela est enfin changé. Chaque jour renaissent et se renforcent entre créateurs de modèles et usiniers ces étroites relations qui préparent la résurrection de méthodes de travail enfantant la modernité. L’époque des plus merveilleuses découvertes qui aient bouleversé les conditions de vivre voit enfin une architecture et des arts appliqués conformes à sa civilisation ».
Plus loin, un autre contributeur ajoute ces quelques lignes « « Notre siècle n’a point de formes, écrivait l’auteur de la Confession d’un enfant du siècle (Musset, ndlr). Nous n’avons imprimé le cachet de nos temps ni à nos maisons, ni à nos jardins, ni à quoi que ce soit (…). » Par chance, ce qui était vrai en 1836 a cessé de l’être en 1925. La France s’est « mise dans ses meubles » si l’on peut dire. Elle a son art, en rapport avec les progrès de la science, les matériaux nouveaux, les usages et les mœurs d’à présent. »
Ces deux citations éclairent bien le propos de l’exposition de 1925, dont nous fêterons les 100 ans dans un peu plus d’un an : promouvoir les arts décoratifs et industriels modernes, mettant en avant des styles innovants et des techniques nouvelles. Un événement qui donnera son nom au mouvement phare de l’époque, l’Art Déco, style poussé par les révolutions technologiques de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle.
Ces évolutions sont si nombreuses qu’il est difficile de les citer toutes. Il y a bien entendu le béton armé et l’utilisation du verre dans l’architecture, mais concentrons-nous sur la partie qui nous intéresse le plus, la décoration intérieure. On peut ainsi parler des placages tranchés, permettant au contraire de leurs ainés sciés de dérouler des feuilles de placage de bois très grande taille, aboutissant à des réalisations spectaculaires dans le mobilier ou l’agencement. Il faut aussi mentionner les laques, copiées en Europe depuis des siècles mais révolutionnées par les ouvriers d’Asie du sud-est venus en France pendant la Première Guerre Mondiale pour travailler sur les avions. Mais aussi l’industrie du cuir, transformé par les suites de la Grande Guerre…
Autre matière primordiale de l’Art Déco, le métal s’invite à son tour dans les intérieurs, rendu moins cher par son industrialisation, permettant de l’utiliser dans le mobilier par exemple. Et on pourrait encore citer d’autres matières, certaines relancées dans les années 20 après un certain oubli, comme le galuchat, le parchemin ou la marqueterie de paille par exemple. Qu’il s’agisse de production en série ou de travail du luxe, l’Art Déco a été un mouvement global, travaillant toutes les couches de la société et influençant l’utilisation des matériaux les plus nobles comme les plus simples.
12 mois nous séparent des 100 ans de l’ouverture de l’Exposition internationale des Arts Décoratifs et industriels modernes, en avril 1925. Durant cette année, notre site proposera une série d’articles revenant sur l’Art Déco, le rôle que Rinck a pu jouer au sein de ce mouvement, ainsi que sur les techniques, projets et créations s’y rapportant. Un beau terrain de jeu à explorer à nouveau, entre archives, et survivance d’un style protéiforme et de techniques toujours très actuelles. Ce mois-ci, notamment, focus sur un travail de la matière très apprécié à l’époque Art déco, et qui revient en force depuis quelques années : le bois gougé.